Le leader français de la vision nocturne va passer sous bannière américaine
4 mars 2020
La société d’électronique californienne Teledyne est entrée en négociations exclusives pour reprendre Photonis pour près de 500 millions d’euros, de sources concordantes. Le dossier divise au plus haut niveau au sein de l’Etat.
Le leader mondial de la vision nocturne est sur le point de perdre son pavillon français. Donné favori, l’Américain TELEDYNE est bien entré en négociations exclusives pour racheter PHOTONIS au fonds ARDIAN pour une valeur d’un peu moins de 500 millions d’euros, de sources concordantes. Ce dossier, qui divise au plus haut niveau au sein de L’État, serait déjà en procédure d’examen par la direction générale du Trésor.
C’est à Bercy que revient l’arbitrage ultime en faveur de la cession au titre du contrôle des investissements étrangers, a réagi en janvier le Premier ministre sous le feu des critiques de 17 députés de tous bords . Les parlementaires, mais aussi un pan du ministère des Armées, lié aux technologies d’application militaire et des services de renseignement, s’opposent au passage sous bannière étrangère de cet actif jugé « critique » pour les opérations de terrain souvent nocturnes.
« Après le rachat du fabricant des appareils de mesure des rayonnements nucléaires Canberra et Premium Analyse, spécialiste français de la détection du gaz tritium, par l’Américain Mirion, nous sommes en passe de créer de nouvelles dépendances technologiques vis-à-vis d’acteurs étrangers très proches du ministère américain de la Défense », critique un proche du dossier.
Le groupe américain a réalisé plus de 60 acquisitions ces dernières années pour un total de 3,6 milliards de dollars avec l’objectif de se développer dans l’imagerie, les infrarouges, les rayons X, les instruments de contrôle pour la marine ou encore l’électronique pour la défense et le spatial. Il cherche désormais à se déployer hors de ses bases américaines pour réduire sa dépendance aux opérations extérieures menées par les États-Unis.
Bercy plutôt ouvert
Un opposant du projet pointe la mise en cause de TELEDYNE par le bras armé du Trésor américain en matière de sanction (OFAC) pour des exportations au Soudan.
A ce stade, cependant, le ministre de l’Économie Bruno LE MAIRE s’est montré plutôt ouvert. « Aucune décision n’a encore été prise, a-t-il déclaré sur Sud Radio mi-février. Nous regardons toutes les options, pour intégrer PHOTONIS dans une chaîne de valeur industrielle, qui permette le développement de l’emploi et la protection de cette technologie, et nous serons très attentifs au respect de nos intérêts de souveraineté. »
Ancrage en France
Un partisan du projet souligne l’ancrage de TELEDYNE en France au travers de deux filiales, e2v vers Grenoble dans les semi-conducteurs et Oldham SIMTRONICS dans la détection de gaz vers Arras.
« Qu’est ce qui doit primer ? La poursuite de l’approvisionnement technologique aux armées françaises ou risquer de rendre l’entreprise moins viable faute de repreneur et créer un incident politique en cas de rejet officiel ? Ces logiques doivent aussi être prises en compte », nuance-t-on au sein du ministère des Armées.
Sur le plan industriel, l’absence de vente imposerait simplement au fonds actionnaire de garder l’entreprise plus longtemps, réagit un opposant. Le temps de trouver une alternative française ? Interrogé par les sénateurs, le directeur général de l’armement, Joël BARRE, a affirmé avoir demandé à SAFRAN et THALES de se pencher sur le dossier. Sans succès à ce stade.