Airbus stoppe un projet pour le sous-traiter à une entreprise américaine : les syndicats voient rouge
25 juin 2020
La décision d’Airbus d’arrêter le projet NIS d’assemblage des nacelles de moteurs d’A320 Neo pour confier cette activité à Collins Aerospace a suscité une vive émotion du côté des syndicats et du Comité économique, social et environnemental (CESER) de la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée.
Quinze jours après la présentation du plan gouvernemental de relance du secteur aéronautique dans le but de préserver l’emploi, les syndicats ne comprennent pas et montent au créneau. Notamment FO Airbus, le plus important d’entre eux.
« Nous sommes un peu sous le choc », confie un jeune syndicaliste. A l’approche de l’annonce par la direction d’un plan massif de départs du personnel d’Airbus, la tension monte chez les organisations syndicales. La décision d’Airbus d’arrêter le programme NIS (Nacelle Integrated Solutions) qui visait à assembler sur le site d’Airbus de Nantes des nacelles de moteurs d’A320 Neo (la nacelle est le carénage qui entoure du réacteur) a suscité une vive émotion du côté des syndicats mais aussi de la part du Comité économique, social et environnemental (CESER) de la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée.
Chute de la production d’avions
Lancée en 2017, ce programme de réinternalisation de cette activité devait concerner dans un premier temps les nacelles des moteurs Pratt & Whitney. Une centaine d’ingénieurs travaillait sur ce projet. Or, Airbus a signé un accord pour rendre cette charge de travail à la société américaine Collins Aerospace, filiale du groupe United Technologies Corporation (UTC). Motif invoqué : les conséquences du Covid-19 sur l’activité d’Airbus.
« Notre production a soudainement chuté de 40% et dans ses conditions, nous nous sommes tournés vers nos partenaires industriels qui nous offraient des prix plus attractifs que nos coûts de production interne. Ce faisant, nous n’excluons pas de produire à nouveau nous-mêmes ces pièces qui seront fournies désormais par UTC. Cette entreprise américaine et implantée en France et ici à Toulouse. Nous sommes certains que la sous-traitance profitera du contrat que nous avons passé avec UTC », s’est justifié Airbus samedi dans la Dépêche.
Préserver les savoir-faire
Dix jours après l’annonce du plan de relance du gouvernement pour soutenir l’emploi dans le secteur aérospatial, les syndicats ne comprennent pas. Dans un tract diffusé ce dimanche, FO Airbus, majoritaire chez l’avionneur avec 45% des voix, a dénoncé une décision qui « semble complètement anachronique ».
« Près de 350 personnes travaillent actuellement à Toulouse sur ce programme de développement d’une nacelle pour l’A320neo (…). Le plan de soutien de l’Etat s’inscrit dans le cadre d’un engagement collectif de l’ensemble des acteurs de la filière aéronautique. L’objectif est de préserver les savoir-faire et les compétences françaises, tout en réussissant les profondes transformations à réaliser en faveur de la transition écologique. Une charte du GIFAS (groupement des industries françaises aéronautiques et spatiales) soutient cet engagement et l’article 2 indique : « assurer la compétitivité et la continuité de la filière aéronautique française ». Comment Airbus pourrait, dans ce contexte, justifier la suppression d’activités pour nos ingénieurs et pour nos usines en faveur d’une société américaine ? Alors que le Président d’Airbus sous-entend de plus en plus clairement qu’un plan social est inévitable pour faire face aux conséquences de la crise sanitaire qui traverse le Monde, cette décision semble complètement anachronique ».
Et le syndicat d’ajouter :
« Comment justifier qu’Airbus charge ainsi un peu plus la barque de la sous-activité d’une partie de ses salariés, en supprimant les emplois et les compétences de ceux qui concourent encore à la compétitivité du groupe ? Cela est-il le signe que nos dirigeants s’apprêtent finalement à faire l’annonce d’un plan social excluant de fait, des mesures de licenciements contraints ? »
L’incompréhension est la même chez les autres syndicats.
« Cette décision pose la question de l’emploi en France », explique Florent Veletchy, délegué syndical central de la CFTC. « Ce projet mobilisait une centaine d’ingénieurs et assurait un avenir au site de Nantes. Il aurait été rentable ».
Une décision « ubuesque » pour le CESER
Vendredi déjà, dans un communiqué intitulé « Airbus a choisi de renforcer l’Amérique », Jean-Louis Chauzy, le président du Comité économique, social et environnemental (CESER) de la région Occitanie/Pyrénées-Méditerranée dénonçait une « décision ubuesque ».
« Alors que tout le monde s’accorde à dire que le futur avion vert, se dessinera autour de son moteur plus électrique, qui comprendra nacelle, entrée d’air, mât réacteur, génération électrique, distribution électrique; alors que l’Etat affirme sa volonté de relocaliser l’industrie en France; alors que l’Etat vient d’apporter 15 milliards d’euros à l’industrie aéronautique dont 1,5 pour travailler aux technologies de demain dont l’intégration propulsive, Airbus signe un contrat d’exclusivité, pour 10 ans avec le groupe américain UTC qui fabrique ses nacelles au Mexique et en Chine, alors que les aides attribuées au CORAC (Conseil pour la Recherche Aéronautique Civile) étaient mobilisables. Ces équipements resteront donc l’exclusivité d’un fournisseur américain et assureront des charges de travail hors de France », déplorait-il, en demandant au ministre de l’Économie Bruno Le Maire de s’opposer à une telle décision.