Les députés se mobilisent pour le financement de l’industrie de l’armement

Les députés se mobilisent pour le financement de l’industrie de l’armement

L’émergence de nouveaux critères en matière de finance durable au niveau de la Commission européenne pourrait exclure le secteur de l’armement.

La mobilisation contre le projet de taxonomie de Bruxelles se poursuit. Après les industriels de l’armement et la ministre des Armées, les députés de la commission de la défense partent eux aussi en guerre contre le projet de la Commission, qui a pour objectif de diriger les investissements vers des activités vertes et d’en exclure les industries de défense. La présidente de la commission de la défense de l’Assemblée nationale Françoise DUMAS, et le député LR, Jean-Louis THIÉRIOT ont corédigé une proposition de résolution européenne visant à protéger la base industrielle et technologique de défense (BITD) et de sécurité européenne des effets de la taxonomie européenne de la finance durable. Une proposition de résolution européenne dont La Tribune s’est procurée une copie et qui est en train de récolter les signatures des députés.

Les deux députés demandent à la Commission européenne et au centre conjoint de recherche de l’Union européenne « de revenir sur le projet d’exclure de la taxonomie européenne de la finance durable les entreprises, dont 5% ou plus du chiffre d’affaires est constitué par des activités de production ou de vente d’armes conventionnelles ou d’équipements militaires « utilisés pour le combat ». Ils insistent sur « la nécessité au contraire de promouvoir l’investissement en faveur des entreprises de la BITD européenne afin de doter l’Union européenne d’une autonomie décisionnelle stratégique et lui permettre ainsi d’assurer la sécurité de ses États membres ». Enfin, ils demandent au gouvernement « de peser de tout son poids, et notamment de profiter de la prochaine présidence française du Conseil, pour faire valoir auprès des institutions européennes et des autres États membres de l’Union les enjeux liés à l’existence d’une BITD européenne forte ».

Florence PARLY monte au créneau

La ministre des Armées Florence PARLY prend également très au sérieux ce dossier mortifère pour l’industrie de défense européenne. « J’ai constaté, non sans une grande surprise, qu’un projet qui sera soumis à l’Union européenne place les industries de défense sur le même plan que les entreprises des secteurs pornographique ou des jeux d’argent, s’est-elle indignée en juin à l’Assemblée nationale. Nous ne pouvons pas laisser faire cela sans réagir. La taxonomie influe sur le traitement réservé à un secteur d’activité selon sa classification. (…) Je me suis entretenue très récemment avec Thierry BRETON, commissaire européen au marché intérieur, qui partage pleinement notre vision ».

Ce dossier fait par ailleurs l’objet d’une bagarre intense à Bruxelles entre la direction générale de l’industrie de la défense et de l’espace (DEFIS) sous l’autorité de Thierry BRETON, et la direction générale de l’environnement. « C’est un sujet qui n’est pas encore tranché », a d’ailleurs expliqué lors de sa conférence de presse de rentrée à Paris, le Commissaire européen français, qui s’est saisi de ce dossier. Un dossier sur lequel il apporte son soutien au secteur de la défense. Et ce d’autant qu’il pousse l’Europe et les états membres à plus d’autonomie décisionnelle stratégique.

Un projet inopportun

Pourquoi une telle mobilisation ? Françoise DUMAS et Jean-Louis THIÉRIOT estiment qu' »un affaiblissement » de la capacité de financement des entreprises de la BITD « conduirait à leur disparition progressive et à la prise de contrôle par des acteurs étrangers de nos actifs et compétences stratégiques, menaçant directement notre souveraineté ». Car la taxonomie s’imposera aux grandes entreprises européennes, qui seront tenues de publier les informations sur leur niveau de conformité à cette dernière en vertu de la directive 2014/95/UE (Non-Financial Reporting Directive). Elle servira ainsi de référence commune aux acteurs financiers offrant des produits financiers verts dans l’Union. Pour les deux députés, ce projet est inopportun.

« Une telle rédaction conduirait à une mise à l’index des activités de défense qui, si elle était confirmée dans les mois à venir, fournirait aux ONG hostiles à l’industrie de l’armement un argument écologique de poids de nature à finir de décourager les banques de financer les entreprises de la BITD, estiment les deux députés. Cette aggravation du risque d’image pour les banques, doublé de la privation pour les entreprises de la BITD du recours à l’écolabel et de la possibilité d’être financées à travers des obligations vertes émises notamment par les institutions publiques, met sérieusement en péril la pérennité de l’industrie de la défense française et européenne ».

 

Cabirol, M., & Cabirol, M. (2021, 13 septembre). Les députés se mobilisent pour le financement de l’industrie de l’armement. La Tribune. https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/les-deputes-se-mobilisent-pour-le-financement-de-l-industrie-de-l-armement-892198.html