Armement : les quatre devoirs de rentrée cruciaux de Florence PARLY

Armement : les quatre devoirs de rentrée cruciaux de Florence PARLY

Florence PARLY a encore du boulot, beaucoup de boulot, avant l’élection présidentielle. Sept mois qui ne devront pas gâcher un bilan jusqu’ici très honorable.

A quelques mois de l’élection présidentielle (avril 2022), la ministre des Armées Florence PARLY doit encore boucler à la rentrée certains dossiers cruciaux pour l’écosystème de la défense français (armées et industriels) : avancer ou lancer les programmes européens en coopération comme le SCAF, l’Eurodrone et arrêter MAWS…, combattre le projet de taxonomie de Bruxelles mortel pour l’industrie de l’armement européen, préserver le budget 2022 et exécuter celui de 2021 et, enfin, finaliser quelques dossiers exportations importants. Du pain sur la planche pour une ministre, qui va effectuer probablement un quinquennat ou presque à l’Hôtel de Brienne (à l’exception de la parenthèse de Sylvie GOULARD).

Depuis quatre ans, la ministre a pu naviguer en eaux calmes ou presque grâce à des budgets successifs en croissance. La bonne exécution des budgets ont permis en partie de réparer ce qui avait été cassé par les présidents précédents (de gauche comme de droite) et de relancer l’effort de défense dans un monde de plus en plus dangereux en ciblant des moyens sur des filières stratégiquement et opérationnellement importantes pour les armées, à commencer par le cyber et le spatial mais aussi l’intelligence artificielle. Si tout n’a pas été parfait – loin de là -, le quinquennat de Florence PARLY à la défense a permis aux armées de se projeter à nouveau et non plus seulement de préserver ce qui pouvait être essentiel à leurs missions.

1/ Coopération : des succès et des échecs

Florence PARLY, qui a porté la politique d’Emmanuel MACRON en matière de coopération avec l’Allemagne, devrait enfin récolter avant la fin du mois de septembre, voire début octobre, les fruits du très lourd travail effectué ces dernières années sur deux projets européens, le programme majeur qu’est le Système de combat aérien du futur (SCAF), et celui de drone MALE européen, l’Eurodrone. Le tout en préservant les compétences clés des groupes français sur le SCAF, juge-t-on à Paris. Dans ce cadre, les industriels devraient prochainement signer les contrats respectivement avec la Direction générale de l’armement (SCAF) et l’OCCAR (Eurodrone). Des signatures balistiques, assure-t-on à La Tribune. Pour l’Eurodrone, l’Allemagne, la France et l’Italie attendent encore Madrid, qui attend de son côté des financements du plan de relance européen post-pandémie. Mais tout serait sous contrôle, précisent des sources concordantes.

En revanche, le char du futur (MGCS, Main Ground Combat System) attendra la prochaine majorité allemande au Parlement. La faute à qui ? Aux industriels allemands, qui n’ont pas su ou voulu s’entendre entre eux, notamment Rheinmetall, l’empêcheur de tourner en rond. Sur le Tigre standard 3, l’Allemagne devrait faire faux-bond à la France. La Bundeswehr n’en veut pas alors que ce système d’armes est primordial à l’armée de Terre. Une nouvelle pierre dans le jardin de la coopération entre Paris et Berlin en matière de défense ? A la prochaine majorité allemande d’acter ou pas cette nouvelle déloyauté.

Enfin, les Allemands ont joué un très mauvais tour aux Français sur le programme MAWS, l’avion de patrouille maritime, qui faisait pourtant partie de la feuille de route de la France et de l’Allemagne annoncée en juillet 2017. Sans prévenir Paris, Berlin a roulé son partenaire dans la farine en décidant d’acquérir cinq P-8A Poseidon de Boeing. A ce coup de canif, Florence PARLY devra montrer à l’Allemagne que la France n’est ni naïve, ni béate au sujet de la coopération franco-allemande en matière d’armement.

2/ Un projet de taxonomie mortifère

Le projet de taxonomie de Bruxelles, qui exclurait à terme les industriels de la défense des financements des banques européennes, est un sujet qui les inquiète au plus haut point. Le ministère des Armées prend également très au sérieux ce dossier mortifère. Il est donc sur le pont pour faire inclure les groupes d’armement dans la liste des industries durables, ou à défaut faire capoter ce dossier par des arguments juridiques.

« J’ai constaté, non sans une grande surprise, qu’un projet qui sera soumis à l’Union européenne place les industries de défense sur le même plan que les entreprises des secteurs pornographique ou des jeux d’argent, a indiqué en juin à l’Assemblée nationale la ministre des Armées Florence PARLY. Nous ne pouvons pas laisser faire cela sans réagir. La taxonomie influe sur le traitement réservé à un secteur d’activité selon sa classification. (…) Je me suis entretenue très récemment avec Thierry BRETON, commissaire européen au marché intérieur, qui partage pleinement notre vision.

Ce dossier fait par ailleurs l’objet d’une bagarre intense à Bruxelles entre la direction générale de l’industrie de la défense et de l’espace (DEFIS) sous l’autorité de Thierry BRETON, et la direction générale de l’environnement. « C’est un sujet qui n’est pas encore tranché », a d’ailleurs expliqué lors de sa conférence de presse de rentrée à Paris, le Commissaire européen français, qui s’est saisi de ce dossier. Un dossier sur lequel il apporte de façon légitime son soutien au secteur de la défense. Et ce d’autant qu’il pousse l’Europe à plus de souveraineté.

En France, cela bouge également. La présidente de la commission de la défense de l’Assemblée nationale, Françoise DUMAS, et le député LR, Jean-Louis THIÉRIOT ont corédigé une proposition de résolution européenne visant à protéger la base industrielle et technologique de défense et de sécurité européenne des effets de la taxonomie européenne de la finance durable. L’exclusion des industriels de défense par la taxonomie « serait susceptible de remettre en cause l’autonomie décisionnelle stratégique de l’Union européenne et de ses États membres », ont estimé les deux députés.

3/ Un budget à protéger

Depuis trois ans, l’effort de dépenses est bien réel en matière de défense (une croissance annuelle de 1,7 milliard d’euros entre 2019 et 2022) et le gouvernement a jusqu’ici respecté l’enveloppe budgétaire initialement prévue. Ce qui était rarement le cas auparavant. Si le ministère n’a pas bénéficié du plan de relance, il a obtenu un budget conforme à ce que prévoit la loi de programmation militaire (LPM) 2019-2025. Soit un budget en 2021 de 39,2 milliards d’euros. En 2022, il devrait donc approcher les 4 milliards (3,9 milliards d’euros). C’est un des enjeux cruciaux pour le ministère que de pouvoir compter sur la trajectoire financière de la LPM en dépit d’un contexte budgétaire qui pourrait être contraint. Pour l’heure, il n’y pas eu de confirmation, ni d’infirmation de la part de l’Hôtel de Brienne. En mai, dans une interview accordée à La Tribune, Florence PARLY avait expliqué que « les engagements pris ont été tenus. Les financements sont sécurisés jusqu’à fin 2023. Il n’y a pas de débat par rapport à cela ».

4/ Des contrats export à finaliser

L’année 2021 sera une très belle année pour les industriels de la défense français. Et la ministre s’en est réjouie fin juin à l’Assemblée nationale. « Grâce aux seuls contrats déjà conclus – je pense notamment à l’export des Rafale en Grèce, en Croatie et en Égypte -, nous devrions d’ores et déjà nous appuyer sur un socle de 7,5 milliards d’euros de prises de commandes », avait-elle précisé. Depuis, Paris a déjà pu sécuriser une nouvelle commande de la Grèce pour six Rafale supplémentaires. 2021 sera donc vraiment l’année du Rafale avec quatre nouvelles commandes pour l’avion de combat tricolore (Grèce x2, Égypte et Croatie). En attendant peut-être l’Indonésie, dont le ministre de la Défense Prabowo SUBIANTO doit à nouveau passer à Paris en septembre lors d’une tournée dans des pays exportateurs d’armes, les Émirats Arabes Unis, qui pourraient se décider en fin d’année, voire l’Inde ou la Finlande.

En Grèce, le ministère misait désormais plutôt sur la vente de quatre frégates FDI. Athènes qui devait se décider à la fin du premier semestre, attend toujours une offre américaine, qui tarde à se concrétiser. Cette vente est d’ailleurs vitale à moyen et long terme pour le site de Lorient de Naval Group. En outre, Florence PARLY doit absolument sécuriser le contrat du siècle gagné par Naval Group en Australie. Des négociations qui passent par des hauts et des bas. Les prochaines semaines seront décisives pour le groupe naval, qui est à la peine à l’exportation sur le segment des bâtiments de surface. Florence PARLY a encore du boulot, beaucoup de boulot, avant l’élection présidentielle. Sept mois qui ne devront pas gâcher un bilan jusqu’ici très honorable.

 

Cabirol, M., & Cabirol, M. (2021a, septembre 13). Armement : les quatre devoirs de rentrée cruciaux de Florence Parly. La Tribune. https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/armement-les-quatre-devoirs-de-rentree-cruciaux-de-florence-parly-892193.html