Paris et Londres relancent leur coopération dans le domaine des missiles tactiques
16 novembre 2021
Cette coopération doit aboutir à horizon 2030…
La coopération franco-britannique en terme de développement de systèmes militaires a souvent été difficile, et jalonnée d’échecs cuisants, comme ce fut le cas, par exemple, du projet de porte-avions entre les deux pays. Mais lorsqu’elle parvient à aboutir, cela donne, bien souvent, des équipements de très grandes qualités. Ce fut le cas dans le domaine des hélicoptères avec la Gazelle et le Puma, dans le domaine des avions de combat avec le Jaguar, et plus récemment, dans le domaine des canons d’artillerie avec le système de 40mm à munition télescopée. Mais le domaine de prédilection de cette coopération a depuis plusieurs décennies été les missiles tactiques, avec des systèmes comme le SCALP/Storm Shadow et le nouveau missile ANL/Sea Venom qui offrent tous deux des capacités avancées aux forces armées de deux pays, ainsi qu’à leurs clients exports.
Outre une coopération dans le domaine de la guerre des mines, Paris et Londres developpent ensemble depuis plusieurs années une nouvelle famille de missiles destinée à remplacer à la fois les Exocet français et Harpoon américains dans le domaine de la lutte anti-navire à longue portée, ainsi que le missile de croisière Scalp / Storm Shadow qui équipe Rafale, Typhoon et Mirage 2000. Désigné Futur Missile Anti-Navire /Futur Missile de Croisière ou FMAN/FMC, cette coopération doit aboutir à horizon 2030 à conférer aux forces navales et aériennes des deux pays des capacités opérationnelles avancées capables de défier les meilleurs systèmes anti-missiles et de protection rapprochée en service ou à venir. A ce titre, lors de sa dernière audition par une commission défense ramenée à seulement 4 députés, les 26 autres membres de cette commission ayant visiblement mieux à faire que d’écouter le rapport de la Direction Générale de l’Armement, le Délégué Général Joël Barre a indiqué que le FMC disposerait des capacités de suppression des défenses anti-aériennes adverses très avancées, offrant une capacité perdue de longue date aux forces aériennes françaises.
Le Missile de croisière SCALP / Storm Shadow représente une capacité opérationnelle déterminante pour les forces aériennes françaises et britanniques.
Toutefois, dans le contexte de tensions qui opposent la France et la Grande-Bretagne sur de nombreux dossiers, dont le Brexit et la participation de Londres à l’alliance Aukus, il était devenu difficile de rassembler les acteurs des deux pays pour faire progresser cette coopération pourtant essentielle pour les capacités opérationnelles des armées des deux pays dans un avenir proche. Après plusieurs reports, une réunion de travail autour du partenariat désigné par l’acronyme MCM ITP pour Materials ans Components for Missile Innovation et Technology Partnership, s’est tenue les 27 et 28 octobre, rassemblant des représentant du Ministère de La Défense et des DSTL (Defense and Science Technology Laboratory) britanniques, de la DGA française ainsi que des industriels comme Thales, MBDA et Leonardo.
L’objectif de cette réunion était de progresser sur le programme FMAN/FMC, et surtout de mettre en place les protocoles et premières initiatives afin de projeter cette coopération dans le futur, afin de lancer les programmes et les financements qui permettront de développer les technologies de la prochaine génération de missiles tactiques dans cette approche coopérative qui a jusqu’ici donné des résultats probants. En particulier, il sera nécessaire de se doter de nouvelles capacités permettant de répondre aux équipements en développement dans d’autres pays, comme la Chine et la Russie, comme les armes hypersoniques, les essaims de drones ou encore les défenses anti-aériennes évoluées et les armes à énergie dirigée. Autant de défis à révéler pour tenter de maintenir un gradient technologique positif afin de renforcer le potentiel dissuasif des unités britanniques et françaises intégrées comme en Russie ou en Chine, représente un enjeux stratégique pour les forces armées européennes, et plus globalement occidentales.
Pour cela, la France et la Grande-Bretagne vont investir conjointement chaque année 13 m€ afin de financer une trentaine de projets de recherche jugés prometteurs par le comité de pilotage qui, lui aussi, n’échappe pas à son acronyme (CW ITP pour Complex Weapon Innovation end Technology Partnership), dans 8 domaines clés identifiés comme critiques pour répondre aux enjeux à venir. L’objectif annoncé est d’avoir financé, au cours des deux prochaines années, 30 projets répondants à ces critères, les premiers (tranche 1 et 2) devant être sélectionnés au premier trimestre 2022, la Tranche 3 en octobre 2022, et la tranche 4 sur le dernier trimestre de l’année.
En outre, le CW ITP entend stimuler la recherche en désignant des thèmes de recherche chaque année, en commençant par l’application de l’Intelligence Artificielle aux armes évoluées en 2022. Enfin, le CW ITP entend permettre une meilleure coopération dans le domaine des programmes nationaux eux-mêmes, de sorte à en optimiser la complémentarité et l’interopérabilité, afin d’aboutir non pas à un empilement de capacités, mais à une famille d’équipements conçus pour coopérer et dont l’intégration aux systèmes porteurs, comme le futur NGF du SCAF ou le Tempest du FCAS britannique, sera simplifiée.
Européen, MDBA a présenté plusieurs munitions innovantes pour répondre à de nombreux besoins, y compris des munitions anti-radiation comme le SPEAR-EW et des micro-missiles air-air et air-sol
Reste que 13 m€ par an semblent être un investissement particulièrement limité eu égard aux ambitions annoncées par cette coopération, mais également aux enjeux opérationnels auxquelles les armées britanniques et françaises vont devoir se confronter dans un avenir désormais proche. Dans ce domaine, Paris comme Londres ne semblent pas mû par une volonté d’aboutir, et d’aboutir rapidement pour répondre au Tempo opérationnel justement donné désormais par la Russie et la Chine. On peut se demander, dans ces conditions, si cette rencontre n’avait pas pour objet d’éviter une rupture définitive entre les deux partenaires européens sur fond de tensions politiques entre les deux pays et surtout entre leurs exécutifs respectifs, plutôt que de véritablement redonner l’impulsion indispensable à la résolution des enjeux à venir ? Quant à savoir si français et britanniques peuvent se payer le luxe de perdre encore un temps précieux dans ces domaines ô combien critiques …
Paris et Londres relancent leur coopération dans le domaine des missiles tactiques – Meta-Defense.fr. (2021, 10 novembre). MetaDéfense.fr. Consulté le 16 novembre 2021, à l’adresse https://www.meta-defense.fr/2021/11/10/paris-et-londres-relancent-leur-cooperation-dans-le-domaine-des-missiles-tactiques/