Loi de programmation militaire : quelles pistes d’économies envisagées
7 décembre 2022
Le programme de frégates FDI (Naval Group) pourrait être affecté par d’éventuelles économies…
La réalité est souvent à chercher dans les arrière-cuisines, loin des discours officiels. C’est le cas pour la préparation de la future loi de programmation militaire (LPM), qui couvre la période 2024/2030. A la demande du ministère des Armées, les états-majors et la DGA (Direction générale de l’armement) ont travaillé sur des pistes d’économies, comme l’a révélée La Tribune. Elles seront très certainement nécessaires pour coller à la trajectoire budgétaire de la LPM, qui doit être décidée par Emmanuel Macron : 377 milliards, 410 milliards ou 430 milliards, selon les propositions respectives de Bercy, du ministère des Armées et de l’état-major des armées. Selon nos informations, le président pourrait opter pour la trajectoire défendue par l’Hôtel de Brienne, celle à 410 milliards d’euros. Une enveloppe certes supérieure à la LPM actuelle (295 milliards d’euros), mais qui ne permettrait pas d’atteindre le modèle « Armées 2030 » et de tenir compte des nouveaux besoins. Des économies seraient donc nécessaires et devront être également validées par l’exécutif.
S’il appuie sur le bouton, les trois armées seront impactées sur le plan capacitaire par ces économies. Car plus de 200 pistes d’économies, qui pourraient affecter des programmes majeurs, ont été passées au crible par les états-majors et la DGA, selon nos informations. Au total, les trois armées pourraient devoir économiser jusqu’à 30 milliards d’euros sur la future LPM si son enveloppe budgétaire s’élève à 410 milliards.
Contradictions
Pour autant, le simple fait d’envisager des économies sur la prochaine LPM ne colle pas vraiment avec le discours de l’exécutif. Il se révèle même être en complète contradiction avec les deux slogans portés par l’exécutif ces derniers mois, « l’économie de guerre » et « la guerre de haute intensité ». Des slogans qui étaient porteurs d’espoir et d’ambitions pour les armées et les industriels de la défense après des décennies de coupes claires. Ils annonçaient la poursuite de l’effort de défense de la France. Un effort de défense qui avait été assumé par Emmanuel Macron dès 2017 – ce qui n’allait pas de soi à cette époque – et que le chef de l’État a fait respecter à l’euro près durant les cinq années de son mandat. Mais aujourd’hui, entre les discours officiels et la réalité, la douche pourrait être froide, voire glaciale.
C’est également le cas sur la coopération européenne où le discours d’Emmanuel Macron est également en contradiction avec certaines pistes d’économies envisagées. Ainsi, selon des sources concordantes, les grands programmes en coopération – SCAF (Système de Combat Aérien du Futur), réalisé avec l’Allemagne et l’Espagne, et le char du futur MGCS (Main Ground Combat System) développé avec l’Allemagne -, pourraient faire l’objet d’un report de deux ans. L’Eurodrone pourrait également être affecté par une réduction de la cible, qui passerait de six à quatre systèmes. Le premier système sera livré en 2030 au lieu de 2025 en raison des retards du programme).
Économies : l’armée de terre en première ligne
Au moment où la guerre en Ukraine n’est pas terminée, l’armée de terre se trouve en première ligne dans les pistes d’économies envisagées. Ainsi, la France serait prête à abandonner le Tigre Mark 3 alors qu’elle s’est pourtant battue pour le faire accepter à l’Allemagne qui a finalement refusé de monter dans ce programme en coopération à trois (l’Espagne en faisait partie), selon des sources concordantes. Il est également envisagé de ralentir la modernisation du segment médian, c’est-à-dire d’étaler les livraisons du programme Scorpion (Jaguar, Griffon et Serval). Enfin, il est évoqué des baisses de cible sur certains programmes en cours ou en voie de lancement, dont la rénovation des chars Leclerc (entre 20 et 25%). Cela risque de plomber très sérieusement le moral des deux principaux industriels de ce secteur (Nexter et Arquus) mais aussi d’Airbus Helicopters, qui devrait se contenter de ne traiter que les seules obsolescences de l’hélicoptère de combat Tigre.
La marine n’est pas non plus épargnée par ces pistes d’économies. Le report de livraison de la quatrième et de la cinquième frégates FDI en 2031 et 2032 (contre 2028 et 2029) est envisagé, selon des sources concordantes. Ce qui n’est pas une bonne nouvelle pour Naval Group, qui devra compter sur l’exportation pour trouver de la charge pour son site de Lorient, et pour la marine, qui devra attendre pour atteindre le format de 15 frégates de premier rang, si effectivement cette piste est activée. La suppression du quatrième bâtiment ravitailleur de forces (BRF), fabriqué par les Chantiers de l’Atlantique est également regardée de près pour une économie de 310 millions d’euros, selon ces mêmes sources. Enfin, le remplacement des avions de patrouille maritime pourrait être retardé d’un an environ.
Enfin, l’armée de l’air pourrait de son côté subir un étalement dans la programmation des prochains standards du Rafale (F4 et F5). En outre, il serait envisagé un décalage dans les livraisons de la tranche 4 du Rafale et également un report d’une commande de 46 hélicoptères HIL. Résultat, on est loin, très loin des ambitions d’Emmanuel Macron même si une partie de ces économies seront redéployées sur des besoins nouveaux (munitions et missiles notamment). Le ministère des Armées, qui demande déjà beaucoup aux industriels dans le cadre de l’économie de guerre, devra gérer certaines situations difficiles générées par ces économies si elles sont lancées, pour préserver certaines des compétences de l’industrie et certains équilibres dans le cadre des coopérations européennes.
Cabirol, M. (2022, 17 novembre). Loi de programmation militaire : quelles pistes d& # 039 ; économies envisagées. La Tribune. https://www.latribune.fr/entreprises-finance/industrie/aeronautique-defense/loi-de-programmation-militaire-la-fin-d-un-double-discours-940925.html