Face à la menace russe, le plan de Bruxelles pour muscler son industrie de défense et s’affranchir des États-Unis

Face à la menace russe, le plan de Bruxelles pour muscler son industrie de défense et s’affranchir des États-Unis

Mardi 05 Mars 2024 la Commission européenne a proposé de renforcer drastiquement l’industrie de défense de l’UE. Objectifs : que l’UE soit mieux armée face à la nouvelle menace russe et moins dépendante des États-Unis en matière d’armement.

Un tournant dans la stratégie de défense de l’UE face à la menace russe ? La Commission européenne a proposé ce mardi de renforcer drastiquement l’industrie de défense de l’UE. L’idée est aussi de moins dépendre des États-Unis dans la production d’armements.

En résumé, la Commission propose que d’ici à 2030, « 50% des équipements » militaires commandés par les États membres soient fournis par l’industrie européenne, a déclaré devant la presse sa vice-présidente, Margrethe Vestager. Une procédure déjà mise en place pour la production de munitions, dont une partie est destinée à l’Ukraine, en guerre contre la Russie depuis 2022.

Mais « on n’est pas là pour financer » les achats d’armes, plutôt aider les États membres à le faire mieux et ensemble, a tenu à préciser ce mardi le commissaire européen Thierry Breton, notamment en charge des industries de défense.

Objectif numéro un : mieux s’armer face à la menace russe

La semaine dernière à Strasbourg, la présidente de l’exécutif européen Ursula Von Der Leyen avait déjà décrit l’esprit de la nouvelle stratégie de défense européenne. L’objectif est clair : être mieux armé face à l’hostilité de la Russie.

« La menace d’une guerre n’est peut-être pas imminente mais elle n’est pas impossible », avait ainsi plaidé la présidente de la Commission, appelant les Européens à se « réveiller de toute urgence ».

Il est donc essentiel, avait-t-elle insisté, de « reconstruire (…) et de moderniser les forces armées des 27 », après des décennies de coupes budgétaires dans le sillage de la fin de l’Union soviétique au début des années 1990.

Aussi moins dépendre des États-Unis

Aujourd’hui, 68% des achats d’armement réalisés dans l’UE au profit de l’Ukraine se font auprès de fabricants américains, a aussi expliqué le commissaire européen Thierry Breton. Avec cette nouvelle stratégie, Bruxelles veut donc rendre l’industrie européenne aussi compétitive que sa rivale américaine. Pour ce faire, l’exécutif européen veut proposer aux 27 un « mécanisme européen » de ventes d’armes proche du modèle américain. Un « catalogue unique » d’armes européennes pourrait ainsi être créé, ce qui permettrait aux États membres de savoir qui fabrique quoi dans l’Europe de la défense.

Autre idée : avoir comme les États-Unis une réserve stratégique d’armements leur permettant de répondre à une demande urgente, les Européens pourraient ainsi se regrouper à cinq ou six pour constituer une réserve dans un équipement spécifique.

Ensuite, il faudra donner de la visibilité aux industriels européens en favorisant des commandes fermes sur le long terme, a expliqué ce mardi à l’AFP un responsable européen, sous couvert d’anonymat. L’idée serait de reproduire ce qui a été fait pendant le Covid avec les vaccins, c’est-à-dire un contrat cadre, par lequel la Commission avance l’argent, permettant aux États membres de relancer leur industrie afin de répondre à ce contrat.

Enfin, à plus long terme, la Commission veut aussi participer au lancement de grands projets européens de défense dans des domaines comme le cyber, l’espace et la protection des fonds marins, après les sabotages de gazoducs en mer Baltique en septembre 2022.

Un budget d’incitation de 1,5 milliard d’euros

Cette première mouture de la nouvelle stratégie de défense européenne sera dotée d’un budget initial de 1,5 milliard d’euros. «  Ce n’est pas beaucoup d’argent », a reconnu la vice-présidente de la Commission Margrethe Vestager.

Mais cette somme servira d’incitation, de bonus pour les États membres à chaque fois qu’ils voudront mettre leurs ressources en commun pour acquérir ou développer la production d’armes en Europe, a-t-elle ajouté. « Le véritable financement viendra des États membres », a encore expliqué celle qui est aussi commissaire à la Concurrence.

La Commission suggère aussi d’utiliser les revenus générés par les avoirs russes gelés en Europe pour abonder ce budget initial. Pour rappel, à ce jour quelque 200 milliards d’euros d’avoirs russes ont été gelés en Europe.

Rendre l’industrie européenne de défense plus puissante

Les pays de l’UE ont dépensé 58 milliards d’euros l’an dernier pour acquérir des armes, a également indiqué le chef de la diplomatie européenne Josep Borrell. Le budget de l’UE ne va pas « remplacer » les budgets nationaux pour atteindre cette somme, a-t-il souligné.

Thierry Breton a de son côté évoqué un budget de quelque 100 milliards d’euros sur plusieurs années pour permettre aux Européens de développer une industrie de défense plus importante, la rendre compétitive face aux États-Unis et renforcer l’aide à l’Ukraine dans la guerre déclenchée par la Russie.

Certains pays européens y sont favorables, mais d’autres comme l’Allemagne sont beaucoup plus réticents. « Il faudra y travailler dans le cadre d’un prochain mandat », a indiqué à ce sujet Thierry Breton. Le mandat de cinq ans de la Commission actuelle arrive en effet à son terme à la fin de cette année. Un changement d’équilibre politique au sein de la prochaine mandature pourrait faire bouger le périmètre de la stratégie présentée ce mardi.

 

atribune.fr. (2024, 5 mars). Face à la menace russe, le plan de Bruxelles pour muscler son industrie de défense et s’affranchir des Etats-Unis. La Tribune. https://www.latribune.fr/economie/union-europeenne/face-a-la-russie-l-ue-va-muscler-sa-propre-industrie-de-defense-pour-etre-moins-dependante-des-etats-unis-992163.html