Le missilier MBDA engage une série de ruptures technologiques

Arrivé à la tête de MBDA, voici un an, Éric BÉRANGER, son PDG, engage la discrète société de missiles européenne dans un virage technologique. En tête de son agenda, réussir la transformation numérique de la société dans un monde en pleine mutation. «Nous sortons d’un monde où l’Europe et ses alliés contrôlaient l’espace aérien mondial. Aujourd’hui, c’est de moins en moins le cas, avec le développement de systèmes de défense aérienne tels que le S-400russe ou avec l’arrivée des systèmes de missiles ultravéloces, tel que l’ Avanguard russe», souligne le PDG dans un entretien au Figaro. L’ Avanguard peut réaliser un Moscou-Paris en 10 minutes.

Alors que les Russes ont pris de l’avance dans ce domaine et que les États-Unis injectent des «sommes phénoménales» dans Lockheed, Raytheon et Boeing, les Européens doivent soutenir leur industrie. «J’appelle à la poursuite de la construction de notre autonomie stratégique», déclare Éric BÉRANGER. «Le grand programme fondamental pour la défense de l’Europe contre les missiles balistiques et hypervéloces, c’est Twister», poursuit-il. Son coût total «de plusieurs milliards d’euros» doit être en partie pris en compte par le Fonds européen de défense.

Conduit par la France, Twister comporte deux piliers. Le premier porte sur le développement d’un système d’alerte avancée depuis l’espace afin de détecter un décollage de missiles et de le suivre. MBDA y travaille aux côtés d’Airbus Defence & Space, Thales Alenia Space et l’allemand OHB. Le second porte sur le développement d’un intercepteur européen de missiles balistiques ou hypervéloces capable de neutraliser la menace. Ses spécifications sont en cours de définition.

Pratique des coopérations

L’accélération technologique redéfinit la nature même de ce qu’est un armement. «Aujourd’hui, les ministères de la Défense n’achètent pas seulement un objet mais plutôt un usage associé à des services. Pour vraiment remplir notre mission, il faut réfléchir à l’effet militaire recherché», explique Éric BÉRANGER. Le missile devient un système intelligent qui doit être capable de s’adapter en changeant d’objectif en cours de mission, voire de se reconfigurer, en tenant compte des autres acteurs du théâtre d’opérations (drones, satellites, aviateurs, etc.) intégré dans une «bulle numérique». MBDA va accélérer dans le numérique, la cybersécurité et l’intelligence artificielle.

Pour tenir le rythme de l’innovation tout en partageant le fardeau de l’investissement, les programmes en coopération sont cruciaux pour MBDA. Le missilier a subi un impact massif du Covid-19 sur ses prises de commandes internationales. Elles ont chuté de 50 à 70 %. L’entreprise attend la suite des premières études lancées en 2017 pour développer le futur missile de croisière antinavire franco-britannique, successeur de l’Exocet et du Scalp. Et en France, la confirmation du programme MHT, le nouveau missile de l’hélicoptère de combat Tigre.

Associé à Airbus, MBDA travaille sur le développement des « remote carriers ».

Dans la course à l’innovation, un des atouts de MBDA, c’est sa longue pratique des coopérations. Elles sont inscrites dans son acte de naissance puisque la société, codétenue par Airbus, BAE Systems et Leonardo, est née, en 2001, de la volonté de la France et du Royaume-Uni de joindre leurs forces dans les missiles. Ils ont été rejoints par l’Allemagne et l’Italie. Ayant un pied outre-Manche et un pied sur le continent, MBDA a été retenu comme partenaire clef des deux systèmes de combat aérien du futur : le Tempest britannique qui fédère aussi l’Italie et la Suède ; le Scaf franco-allemand qu’a rejoint l’Espagne. Associé à Airbus, MBDA travaille sur le développement des remote carriers, c’est-à-dire des drones qui travailleront en essaim pour l’avion de combat du futur. Une première enveloppe de 155 millions a été débloquée sur dix-huit mois pour lancer les premières études amont.

Guillermard, V. (2020, 2 juillet). Le missilier MBDA engage une série de ruptures technologiques. Le Figaro.fr. https://www.lefigaro.fr/societes/le-missilier-mbda-engage-une-serie-de-ruptures-technologiques-20200702